Bilan de l’année 2020 du projet Cordée de Trail
L’année 2020 touchant à sa fin, c’est pour moi l’occasion de faire un bilan de ma deuxième année sportive après cancer. La première a été basée sur la reconstruction du corps et la gestion des douleurs post-traumatiques, avec deux courses internationales au programme : 110km en 18h un an après la fin de la chimio (100 Miles of Istria, Croatie) et la Diagonale des fous, 170km en 44h un an et demi après. La première année était encourageante et enthousiasmante. La deuxième année, quant à elle, se voulait plus ambitieuse pour performer et retrouver des sensations de compétiteur. Elle devait surtout me permettre de finaliser le projet qui a commencé lorsque j’étais encore en chimiothérapie : vaincre le cancer, se reconstruire et courir l’UTMB le plus vite possible, et cela, sous les couleurs de l’association « A chacun son Everest » qui œuvre pour aider les enfants en rémission à se reconstruire grâce aux sports de montagne. Cela n’a pas pu être possible à cause du contexte sanitaire… l’édition 2020 de l’UTMB a été annulée !
Bilan de l’année 2020
Deux ans et demi pour arriver prêt à l’UTMB 2020, un défi, un long chemin, fait de douleurs quotidiennes, mais aussi de joie et de plaisir de redécouvrir un corps meurtri. Pourtant, 2020 est une année tronquée, qui a failli se finir sans course. L’entrainement hivernal a été prometteur. L’annulation de la MIUT à Madère en avril, en plein confinement, a été l’occasion de refaire une grosse charge d’entrainement. Mais, en juin, l’annonce de l’annulation de l’UTMB m’a enlevé le sourire et coupé les jambes. C’était mes JO à moi cet UTMB, un défi à la mort, un clin d’œil à la vie, une manière de participer à l’idée que le sport est un bon support pour se reconstruire après un accident de vie. Heureusement, à l’appel d’un ami, Rémi Di Girolamo, reconverti aussi dans le trail après une carrière en aviron (on a été plusieurs fois médaillé ensemble en championnat de France), je reporte rapidement mes espoirs de compétition sur l’ultra-trail de Serre-Ponçon en duo. Fin août, cette nouvelle annulation me porte un coup au moral. L’arbitraire des décisions semble détruire autant qu’elle protège et cela me démoralise. Début septembre, je joue ma dernière carte sur une inscription à quitte ou double pour le XTRAIL Corrèze Dordogne (103 km et 4500m de dev+) programmé à la fin du mois. Les trois semaines d’attente seront interminables pour savoir si le préfet et l’agence de santé autorisent ou non la course. Bingo, ça passe ! Bravo à l’équipe d’organisation de s’être adaptée au contexte particulier et de ne rien avoir lâché.
Retour sur l’unique course de la saison !
C’est avec un immense plaisir que je me retrouve au départ de cette course qui sera une des rares à ne pas être annulée cette année. Les conditions sont très humides et froides pour la saison : cela fait une semaine qu’il pleut… Comme il n’y a pas de haute altitude là-bas, ce sera avant tout physique et dans la tête !
Il est 2h du matin. Sur la ligne de départ, nous, traileurs épris de grand air et de liberté, sommes masqués. Sensation bizarre de faire ces premiers mètres bâillonnés sur les quais d’Argentat. Vite enlever le masque… et respirer cet air si vital pour la machine !
Puisqu’il s’agit cette année de performer, je décide de partir relativement vite pour me mettre dans le bon tempo. Je cours donc les 30 premiers km et 1300 de dev+ en 3h dans le groupe des 20 premiers. On est de nuit et l’humidité très importante rend la visibilité très faible avec la réverbération de la frontale. Mais quel plaisir que ces enchainements de montées et descentes en forêt. Après une fin de nuit difficile car le froid humide me tétanise les muscles fessiers, je rétrograde à la 30ème place au 55ème km (je suis à 7h18 de course).
Dans les sentiers en forêts de la deuxième partie du parcours, je me sens bien et je me dis que le plus dur est derrière : il y a normalement une dizaine de km avec peu de dénivelé à venir, j’espère pouvoir dérouler et tenir une bonne moyenne. Mais, là, je déchante très vite car on est au fond d’une gorge dans la forêt et surtout dans un ancien lit de rivière. Le jeu consiste donc à courir en évitant les rochers arrondis, les racines et les talus, un peu comme si on faisait un exo avec des mini-haies à enjamber… c’est sympa quelques mètres, mais épuisant sur 10 bornes. La vitesse diminue dans cette partie très technique et je suis content d’arriver enfin aux majestueuses Tours de Merle, instant d’histoire, que je traverse au ralenti. Malgré ce passage compliqué, j’ai doublé du monde depuis le kilomètre 55… donc tout va bien dans la tête ! Le passage à la Vialette au 82ème km me confirme d’ailleurs que j’ai repris des places : je suis désormais 23ème. J’espère donc pouvoir finir fort !
Je continue de m’hydrater et de m’alimenter avec des produits Pileje (le spécialiste en micronutrition qui me suit) qui m’accompagne depuis le début de la course, et même de l’aventure. Maintenir le rythme malgré l’épuisement qui devient important dans les 5 derniers kilomètres. Qu’est qu’ils me paraitront longs… très longs… Alors là, je pense à la cause : courir pour les enfants ayant un cancer, courir pour tous ceux en rémission qui essaient de se reconstruire par le sport et qui en ce moment sont interdits de pratique. Je pense aussi à mon propre parcours pour être là, et finalement voilà Argentat sur Dordogne ! Voilà l’arche d’arrivée ! 15h41, 17ème au scratch, 3ème dans ma catégorie. Je suis content ! Ce n’était pas l’UTMB, mais c’était beau, sauvage, avec beaucoup de forêts et de gorges. Tout le long du parcours, je me suis vraiment senti dans l’intimité de cette nature. Je me sens apaisé, le job est fait !
Conclusion des deux années du projet
Le résultat est bon ! Deux ans après la chimiothérapie, il me permet de mesurer les progrès accomplis. Deux ans de dur labeur pour se reconstruire. Une cause, un défi pour valider une idée : après un cancer, tout est possible, on peut redevenir compétitif. J’ai réalisé 4 ultra-trails en 2 ans, aucun abandon et un progrès constant… même à la mythique Diagonale des fous (170km en 44h), qui pourtant était un défi ambitieux et parsemé d’embûches.
Il me reste encore du travail : je sais que je suis encore limité en trail en termes de puissance dans les montées et en vitesse sur le plat, ma VMA reste encore faible (17km/h)… et puis, il y a tout le haut du corps qui, s’il ne me fait plus mal, est encore très démusclé.
Poursuite du projet et du partenariat
Malgré une fin d’année positive, je veux finir le projet initial, ma motivation reste intacte. En 2021, j’irai courir cet UTMB qui m’a glissé des doigts… le dossard solidaire sur lequel je m’étais engagé en 2020 est reporté sur la prochaine édition, tout est calé ! Reste à mobiliser l’entraide une année supplémentaire pour l’association. Aussi, toutes celles et ceux qui veulent m’accompagner en 2021, n’hésitez pas à aller visiter les sites « Cordées de trails », et « A chacun son Everest » où vous trouverez des informations plus détaillées sur le projet. Nous avons déjà parrainé 5 enfants, mais nous avons besoin encore de votre générosité pour financer d’autres stages de reconstruction pour l’été 2021. Chaque stage coûte 2500 euros, ce qui comprend tous les frais : déplacement, hébergement, activités, encadrement… Merci pour eux !
En espérant vous retrouver sur les sentiers en 2021, je vous souhaite une fin d’année à courir pour se sentir vivant et profiter de chaque foulée comme un instant privilégié au contact de la nature. Un grand bravo à ceux qui continuent d’organiser des évènements pour que la vie continue.
Thierry Chalandre
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